Citoyens, citoyennes !
le mouvement des Gilets Jaunes né dans le fracas de l’Acte I, le 17 novembre 2018, s’est maintenant inscrit dans la durée et trouve un soutien chez une majorité de français comme le montrent les sondages. Bien que les Gilets Jaunes [GJ] soient d’horizons politiques variés, voire apolitiques, et de classes sociales différentes (marque des révolutions), il existe une convergence des luttes qui contribue à la puissance de ce soulèvement populaire. En effet, cet élan citoyen se base essentiellement sur une détresse profonde appelant au retour à une justice sociale et met en avant des préoccupations de démocratie directe. Sa nature est ainsi tout autant subversive qu’historique.
Si les nombreuses revendications des GJ ont une faible probabilité d’être appliquées dans leur ensemble, l’une d’entre elles, cruciale, constituerait la porte ouverte à toutes les autres: il s’agit de la demande d’instauration d’un Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) au sein de notre république, une revendication virale depuis début décembre 2018 sur les pages des réseaux sociaux des GJ et qui tend aujourd’hui vers une certaine unanimité au sein du mouvement. Le RIC mis en avant est de nature révocatoire (destitution de responsable politique), législative (amendement ou création de loi), abrogatoire (suppression de loi: droit de censure) et constitutionnelle (modification de la Constitution de la République française). Une étude Harris Interactive publiée le 2 janvier 2019 montre même que 80 % des Français sont favorables au RIC législatif, 72 % au RIC abrogatoire, 63 % au RIC révocatoire et 62 % au RIC constitutionnel. Tous ces RIC permettent de saisir la population par référendum sans que soit nécessaire l’accord du Parlement ou du pouvoir exécutif. A noter que des référendums d’origine populaire existent dans de nombreux pays, intras et extras européens comme en Amérique du sud, ce qui souligne l’argument d’un certain retard français [voir en bas de page].
Au-delà de cette dimension stratégique vis-à-vis de ce que le Gouvernement pourrait prendre en compte, le RIC représenterait une victoire en termes de réappropriation d’un pouvoir politique par le peuple, qui s’exprime fortement dans le mouvement des GJ reflétant la défiance montante des français à l’égard des classes politiques. Le RIC est avant tout inspiré par le bon sens: personne ne sait mieux que soi-même ce qui est bon pour soi, ou plus globalement, un peuple devrait naturellement avoir le droit de disposer de lui-même. Or aujourd’hui un citoyen français n’est quasiment jamais consulté directement pour une décision politique [et lorsque c’est le cas le peuple est trahi par la suite comme lors du « non » français au référendum du 29 mai 2005 pour une Constitution européenne!]. De plus, les dérives autoritaires du Gouvernement actuel ainsi que les problèmes économiques et sociaux résultent d’une manière évidente d’un pouvoir déconnecté des intérêts citoyens. Le RIC permettrait d’éviter de faire reposer intégralement, et de manière inutilement risquée, tout un système politique sur la confiance que les citoyens portent à leurs représentants. Ce risque est humain et inéluctable étant donné que les représentants politiques sont soucieux de leurs (ré)élections, du maintien de leurs privilèges et sont influencés par les interférences (effets de lobbying, de corruption, arrangements entre dirigeants de grandes banques et hauts fonctionnaires chargés de leur contrôle orchestré par l’état, oscillations de carrière entre les secteurs public et privé,…) avec les intérêts privés du monde économique (nationalisation versus privatisation, etc) ou de réseaux d’influence spécifiques (non-représentatifs du peuple et possiblement non-transparents).
La réappropriation via le RIC d’un pouvoir complètement confisqué au peuple, notamment par l’argumentaire habituel fallacieux de sa complexité, serait également le premier pas vers le renversement d’un ordre social injuste: celui de la ploutocratie actuelle.
L’objectif de cette plateforme en ligne est d’organiser la réflexion autour de la conception de ce RIC et de la forme concrète qu’il doit prendre, ce afin que les GJ puissent présenter au Gouvernement les quelques modèles de RIC réalistes, concrets et ainsi cristalliser une avancée cruciale. L’heure est venue pour les GJ de récolter les fruits d’un rapport de force spectaculaire qu’ils ont su obtenir par leur ténacité et leur courage. Cette plateforme est entièrement initiée, développée et utilisée par les citoyens (aucune intervention de politiciens à aucun niveau).
L’histoire a montré que les soulèvements qui ont apporté de réels changements résultaient de leviers de pression émanant de la colère du peuple accompagnés d’une idéologie révolutionnaire naissante amenant des propositions politiques claires. Ainsi cette plateforme virtuelle permet l’effort intellectuel aujourd’hui nécessaire au mouvement des GJ pour être force de proposition, en centralisant les idées trouvées par les GJ et en synthétisant / continuant le travail déjà commencé sur le terrain autour de la question conceptuelle du RIC.
Ce travail sur le référendum [dont l’existence est mentionnée dans l’article n’3 de la Constitution de la République française (du 4 octobre 1958)] consiste en une réécriture de l’article 11 de la Constitution de 1958 qui définit un modèle de référendum initié par un cinquième des membres du Parlement soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, conditions tellement improbables que ce modèle n’a jamais déclenché aucun référendum. La question du référendum peut aussi impacter les articles n’24, 39, 60 et 89 de la même constitution. Or cette Constitution de 1958, accompagnée de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (du 26 août 1789), du préambule de la Constitution précédente (du 27 octobre 1946) ainsi que de la Charte de l’environnement (de 2004), constitue le présent « bloc de constitutionnalité ». L’exercice important réalisé au travers de ce site internet représente donc, de par sa nature, l’activité d’un « atelier constituant ». Ce site web, ou WikiRIC, est donc un atelier constituant en ligne. Le caractère virtuel de cet atelier permet une participation aisée et collégiale de tout citoyen dans l’esprit d’une démocratie réellement directe.
Bien sûr le RIC est aussi un pas vers une véritable démocratie directe qui, bien que grandement souhaitable, représente un projet dépassant l’ambition de cette plateforme. Mentionnons cependant que dans une démocratie directe, le peuple, régulièrement consulté, pourrait voter directement ses propres lois (comme avec le RIC) au lieu d’élire ses maîtres [oxymore de la démocratie « représentative » issue de l’article n’3 de la Constitution de 1958] qui ne représentent pas l’ensemble de la population, ne rendent aucun compte sur leurs activités au cours de mandats non révocables et écrivent eux-mêmes les limites de leur propre pouvoir via les constitutions. Tout cela est d’autant plus anormal que les rémunérations des représentants proviennent des contribuables français.
La neutralité de ce site du point de vue des colorations politiques et des intérêts privés est une condition nécessaire pour servir le bien commun. Cette neutralité signifie la prise en compte de l’ensemble exhaustif des opinions partisanes et des avis citoyens. Celle-ci est garantie ici par une participation en ligne, ouverte, sans filtre subjectif ainsi que par le choix des partenaires du site qui sont, sans exception aucune, politiquement et économiquement neutres.
Hier, notre Président de la République, Emmanuel Macron, adressait une lettre aux Français, dans laquelle on peut lire les trois questions suivantes,
« Quelles évolutions souhaitez-vous pour rendre la participation citoyenne plus active, la démocratie plus participative ? Faut-il associer davantage et directement des citoyens non élus, par exemple tirés au sort, à la décision publique ? Faut-il accroître le recours aux référendums et qui doit en avoir l’initiative ? »
La mise en ligne, aujourd’hui même, de ce projet de site participatif est en parfaite adéquation avec ces trois questionnements qui contribuent à lancer le « grand débat national », décidé après la mobilisation des Gilets Jaunes et devant durer jusqu’à la fin mars 2019. Mais peut-on réellement attendre des avancées concrètes de ce grand débat ? En tout cas il commence demain…
[le 14 janvier 2019]
Articles sur les Gilets Jaunes & le RIC dans la presse:
- Le Huffpost
- L’Express
- Le Monde
- Libération
- 20 minutes
- Le Dauphiné
- Le Parisien
- Le Sud Ouest
- Le Figaro
- Ouest France
- Marianne
- Télérama